La terre est basse... Mais où est l'Homme?

Il valait mieux en effet que le paladin s'entête à la dépasser. Ne faisant rien pour revenir à son niveau, elle se contentait de gratifier son dos d'un regard exaspéré. Tour à tour pédagogique et insultant... Sans cesse. L'on avait beau en prendre l'habitude, il n'empêchait que cela devenait fatiguant à la longue.
Poussant un soupir discret et résigné, ses sens étaient entiérement sollicités par le frémissement tout entier de ce monument qu'était le palais impérial. Ce frémissement parut gagner son propre corps qui frissonna sous l'assaut. Tout n'était plus que destruction...

Des cris perçants se firent entendre. Alertée, Jayla eut alors une étrange pensée pour le personnel du bâtiment ... : qu'allait-il devenir ? La réponse lui fut apportée lorsque les deux êtres s'approchérent d'une des salles adjacentes.
Laissant le soin à l'érudit de pousser le battant qui leur dévoilerait l'image la plus illustrative de la déchéance humaine, l'elfe noire se rejeta dans l'ombre, se servant d'Ellamin comme une sorte de bouclier aux regards, aidée par l'obscurité et le peu de couleur de ses vêtements. Mais ses iris se détournérent bien vite en apercevant le viol dont était victime l'une des servantes.
Une puissante nausée de dégoût la saisit alors.

* Quel gâchis... *

Pathétique ? Bon résumé... Mais ce n'était rien de le dire. Ce n'était qu'une constatation froide et sans âme, presque inutile. La reine déchue résista à l'envie de plaquer ses paumes sur ses oreilles éffilées pour ne pas avoir à entendre les justifications répugnantes du soldat. A la place, elle en profita pour souffler et essayer de se reprendre totalement. C'était ce qu'Ellamin aurait peut-être voulu. La fin des états d'âme. Le début d'un apprentissage de la maturité et de la prise de recul.
Des pas pesants s'approchèrent d'eux. Elle baissa les yeux. Il s'était condamné.

Son cri, puissant, se confondait avec les pleurs de la violée que l'on devinait au-delà des murs. Si proche de Glistern, et en même temps si loin. La jeune femme avait bien évidemment déjà soupçonné sa puissance, mais ne l'avait encore jamais vu à l'oeuvre. Pas besoin de l'observer à l'oeuvre. Le garde torturé avait témoigné pour lui.
L'humain s'éloigna d'elle pour rentrer encore davantage dans la pièce souillée. Il demanda les vêtements de la fille. Pour elle...

Amère, elle eut le pressentiment de devoir constater un autre meurtre à quelques mètres d'elle. La voix du paladin, presque sifflante, lui donnait la chair de poule. Machinalement, elle frottait ses bras vigoureusement, pour éviter une vague de froid venue de l'intérieur de l'engourdir. Peut-être était-ce du au bruit affreux du bois sourd écrasant les os du crane qui giclait à ses oreilles, comme le sang devait le faire...
Lorsque l'assassin présumé de la victime et de son bourreau sortit et s'avança auprès d'elle, l'elfe noire posa sur les vetements qu'il lui tendait un regard songeur, presque vide. Sans répondre, elle s'éxecuta à sa demande et procéda du mieux qu'elle put.

Une fois prête, elle reposa ses prunelles sur son... sauveur ? - ce terme lui répugnait... -, prête à le suivre où qu'il aille.

L'elfe noire ayant revêtu les trousses, le paladin porta son regard de la jeune femme aux ténèbres s'étendant plus loin, et dont le tumulte des deux cadavres l'avait détourné. Ne prêtant attention aux flammes qui depuis le mobilier et les dépouilles s'agrandissait pour former un imposant brasier au coeur de la pièce exsudant déjà une odeur nauséabonde, l'érudit avançait, pressant le pas, alors que fronçant les sourcils il jetait un regard envers la femme, mais surtout l'allée sombre se tenant à leur arrières.

"Dépêchons. Cette enfant sera votre gisant, mais si nous nous attardons ce lieu entier nous tiendra lieu de tombeau."

Adoptant une vive allure, Ellamin parcourait ce qu'il restait à traverser du corridor en ponctuant une fois encore sa démarche du fracas de son bâton, qui cette fois s'accommodait aux secousses qui ébranlaient la bâtisse avec force.

*Très beau travail. Encore un peu et- pas cette fois.*

Parvenant enfin auprès d'une porte faisant front à l'allée, le paladin tenta de l'ouvrir, mais n'y parvint pas. Les colimaçons se lovant au-delà répercutaient l'écho de la serrure s'ébranlant, mais pourtant la porte ne se dérobait pas. La chose n'aurait été que cocasse, si à l'opposé du corridor la lueur vive et chaude d'un brasier s'étendant rapidement n'avait pas heurté l'érudit, qui se fendit d'un sourire amer.

"Voyez-vous ça... Jayla, aidez-moi à forcer cette porte, si vous tenez à en sortir avec tous vos membres. On a dressé votre bûcher un peu trop tôt à mon goût..."

Il fallait continuer. Car malgré leur apparente solitude, le danger était loin d'être écarté. L'elfe noire ne retrouverait sa tranquillité qu'une fois éloignée de ces lieux maudits, désormais. Il n'y aurait pas de retour en arrière, ni de regrets à avoir. A présent, seul son instinct lui hurlait de confier sa vie entre les paumes du paladin et de le suivre sans discuter. Le feu qui progressait y était également sûrement pour quelque chose...
Mais, silencieuse, Jayla se contenta de garder ses yeux fixés sur le visage de marbre de l'érudit. Peut-être pour se convaincre que tout cela n'était pas un rêve, ni un cauchemar. C'était sa réalité... Leur réalité à tous.

Accordant son pas à celui, désormais plus vif, de son mentor, la jeune femme ne supportait que difficilement, les dents serrées, le vacarme qui résonnait tout autour d'eux, porteur d'un aspect de fin du monde. Comme si l'apocalypse fondait sur eux, que le ciel avait décidé de la chute de Baal et de la victoire de Yam. Mais tant qu'Il serait encore en vie, le royaume survivrait. Elle n'en doutait pas.

Obstacle. Porte close.

Involontairement, l'ancienne souveraine sourit intérieurement devant la faiblesse soudaine de l'humain. Il pouvait vaincre les âmes, les corps et les esprits. Mais pas les portes aux battants les plus rigides... Pourtant, l'heure n'était guère à la plaisanterie. Le brasier les menaçait et il ne parvenait toujours pas à franchir l'embûche.
Insensible au ton apparent léger qu'employait Ellamin, l'intéressée se contenta d'acquiescer fermement et se concentra immédiatement, tâchant de rassembler sa force, héritage de sa race elfique.

Sa paume ouverte s'éclaira d'une faible lueur rougeoyante. Paupiéres closes, un mince voile de sueur couvrait son front au fur et à mesure que l'elfe se remémorait les anciennes leçons de sa mère. Puis, sans prévenir, alors que la lumière commençait à lancer un éclat si puissant qu'il jouxtait avec celle des flammes, elle donna un coup de poing fulgurant à la base de la serrure, laissant échapper par la même occasion sa tristesse de quitter ces lieux, la rancoeur et le dégoût qu'elle éprouvait à l'égard d'elle-même, et la colère face aux événements récents.
Quasi-immédiatement, elle pivota et envoya son pied muni du même élan dévastateur qui acheva de fragiliser la structure du métal.

La porte était entrouverte. Sans poser davantage de questions, Jayla s'engouffra dans le passage, ne prêtant aucune attention à sa main, qui laissait gouter le sang à l'endroit des phalanges.

Le paladin demeura un instant immobile, laissant la jeune femme le devancer, tandis qu'il rivait son regard vers les flammes non loin, qui dansaient sinistrement, et surnaturellement. Fronçant les sourcils, Ellamin lâcha un juron alors qu'à demi-couvert par le fracas de la bâtisse supportant difficilement les fracas telluriques un grondement plus sourd s'éleva. Emporté, l'érudit s'élança rapidement dans les escaliers serpentant jusque vers les souterrains du château, et refermant la porte derrière lui en la scellant du poignard qu'il dissimulait sous ses trousses gravit en hâte les marches du colimaçon, à la recherche de la fugitive, qui laissant perler du sang de sa main laissait une sinistre piste que le paladin risquait de ne pas être le seul à suivre.

"Très impressionnant. Je doute que votre père ait eu le loisir de connaître les tenants de la magie, sans doute est-ce votre mère qui vous y a formé. J'ose espérer pour vous que vous connaissez autre chose que ce petit tour de passe-passe..."

Cherchant l'elfe noire, le paladin la retrouva finalement au niveau inférieur, mais ne perdit davantage de temps, et saisissant le bras de la jeune femme déposa une herbe qu'il tira d'une des besaces pendant à son flanc dans sa main.

"Humectez-la, cela facilitera la cicatrisation, et absorbera le sang qui affluera jusque là. Je vous aurais bien proposé de cautériser cette plaie, mais je suppose que vous désirez encore faire usage de votre main."

L'érudit embrasa la pierre de son jonc, et le brandit, alors que l'obscurité s'étendait totalement dans ces souterrains. Les vrombissements de la terre se faisaient plus pesants, mais le paladin s'attardait davantage sur la tour des colimaçons, alors que son regard tentait de percer les ténèbres de la pièce et les froides pierres constituant les imposantes murailles du palais.

"Nous devons sortir par ici... Cherchez un filet d'air, nous devons trouver un point sensible de cette cloison, sans risquer que tout ne s'effondre sur nous..."

Le grondement du brasier s'étendant au niveau supérieur était audible, toutefois, alors qu'ils ne risquaient pas d'être enfumés en état dans les souterrains, les grognements bestiaux qui s'échappaient depuis les escaliers imposaient à Ellamin de se concentrer davantage sur sa tâche, avant que les Pisteurs de Koth ne trouvent leur trace.

*Je n'aurais pas dû solliciter leur soutien.*

Que faisait-il ? Pourquoi s'enteter a perdre encore du temps ? Sans regrets, la jeune femme preferait laisser ses jambes devaler d'elle-meme les escaliers en colimacon. Elle haissait ces escaliers... depuis toute petite. Elle se sentait toujours partir vers l'avant, glisser, tomber jusqu'a recevoir le choc des marches. Si dures sur sa peau d'enfant, marbree d'ecchymoses, desormais. Ce jour-la aussi elle avait saigne...

* Oh, suffit ! *

Arrivant jusqu'au bas, les tenebres avaient remplace la lueur des flammes. Sa vue ne s'en offusquait pas. Apres avoir progresse de quelques metres dans ce couloir qu'elle ne connaissait que trop peu a son gout, l'elfe noire prefera attendre alors Ellamin.
Il deboucha, refermant sans plus attendre la porte derriere eux. Une nouvelle barriere qui serait pourtant bien aisee a franchir... Une securite illusoire, mais suffisante pour la rasserener temporairement.
L'homme la cherchait, dans le noir. Elle en sourit discretement, sachant qu'il ne tarderait guere a vaincre les tenebres qui, pour elle, ne la genaient pas plus qu'un leger voile de brouillard.

" Pour vous etre honnete, mon pere se fichait pas mal de tout talents magiques capables de m'etre enseigne... Pour lui, il n'existait que la guerre, la guerre... et encore la guerre... "

C'etait a peine si l'amertume percait. Elle savait qu'a l'epoque de son regne, les choses etaient quelque peu differentes ... Qui sait comment elle-meme aurait reagi ?

" Et oui, je dois cela a ma mere. Mais sa puissance etait bien superieure a la mienne... je crois. "

Apres tout, comment en etre sure ? Cela remontait a treize ans. Et elle avait observe attentivement sa mere avec les yeux d'une enfant. Pressee d'en terminer sur tous ces souvenirs qui remontaient brutalement a la surface, Jayla hocha de nouveau la tete et repondit simplement :

" Je vous aiderai a chaque fois que cela me sera possible, rassurez-vous. "

Docile, elle le laissa examiner brievement son bras et y apposer quelques herbes qu'elle reconnut rapidement. Suivant son conseil, elle humecta la plaie et suivit ainsi le paladin, etouffant toute remarque moqueuse ou desobligeante sur la lumiere qui le guidait et qui lui etait inutile. Mieux valait trop de lumiere que trop peu, parfois...

La jeune femme tendait les bras de chaque cote de son corps, faisant confiance a ses sens. Ses doigts se mouvaient delicatement, comme glissant sur des nappes d'air successives, a la recherche de la moindre difference de texture, de temperature ou autre qui aurait pu les mener a une eventuelle porte de sorte. Elle fit de son mieux pour ne pas se laisser distraire par le bruit du feu un peu plus haut. Elle n'aimait pas ce son. Il faisait naitre en elle des images fantastiques et sombres tout a la fois... venues d'un passe glauque et ancestral. Au moins, l'air etait silencieux...

Soudain, elle stoppa net, un sourire satisfait sur ses levres.

" Glistern... "

D'un geste de sa main valide, elle caressa la portion du mur d'ou provenait quelque chose de plus frais... etranger a l'atmosphere pesante de ce qui ressemblait a caveau.

L'érudit détourna le regard des escaliers, vers la jeune femme, qui se tenant immobile près d'un pan de mur, à ce qu'il percevait, semblait désigner cette cloison rocheuse comme la faille qu'il cherchait en hâte depuis quelques minutes, exaspérantes. Ne disant rien, il se pressa auprès de l'elfe noire, et huma l'air qui filait depuis les roches, massives et disgracieuses sous la lueur du brasero du paladin... très disgracieuses.

*Ce n'est pas ça...*

L'érudit apposait sa paume contre la cloison, mais n'attendit davantage pour, repoussant brusquement la femme de la main en s'éloignant, brandir son jonc, qui s'illumina, et faisant s'animer au sein du regard d'Ellamin une flammèche martela le mur d'une violente déflagration, qui ne dévora pourtant pas l'air qui commençait à se raréfier dans les caveaux du fait de l'incendie courant au palier supérieur. Le brusque souffle qui dissipa en un instant les flammes ne surprit pas l'érudit, pas plus que ce qui se dévoilait à son regard.

"Si je m'en étais douté..."

Riant comme un dément, le paladin s'approcha de l'embouchure, et agita son bâton incandescent au-dessus du vide, dans lequel se tenait immobile un escalier érodé par le temps. Ce n'était pas là leur échappatoire... et pourtant. L'érudit commença par apposer un pied, puis l'autre, sur les marches poussiéreuses, avant de se retourner vers son acolyte.

"Quel flair, elfe noire... Allez, venez. Dépêchez, il faut trouver une échappatoire, au plus vite. Et la bibliothèque de l'inquisiteur Mozguz nous aidera sans doute..."

Lança-t-il, souriant narquoisement, en jetant son regard dans les ténèbres engloutissant l'extrémité des escaliers, où l'érudit devinait quelque secret gardé depuis tant de siècles que même les prédécesseurs Svit Kona n'avaient osé découvrir.

*Et voilà les grondements des bêtes*

S'ecartant legerement afin de lui laisser la place d'observer la roche par lui-meme, l'elfe tourna la tete derriere elle, essayant de distinguer autre chose que le bruit des flammes poursuivant leur travail destructeur au-dessus de leurs tetes. Enfin, elle vint reposer son attention sur le paladin, patiente, malgre son coeur qui battait encore la chamade. Il respirait et observait attentivement les pierres, les decortiquant soigneusement, avant de se redresser et de la projeter avec une douceur inexistante contre l'autre paroi. Hormis un grondement exaspere, Jayla continua de se montrer silencieuse, trop absorbee par le spectacle de ce fameux jonc, rythmant sans cesse le bruit de pas de son proprietaire, exhaler une lumiere presque eblouissante, dans le tunnel d'obscurite dans lequel ils se trouvaient.

Le mur resonna un moment contre l'assaut de l'erudit, de telle facon que ses yeux se plisserent par reflexe sous le choc. Cette vision, cauchemardesque et totalement fantasmagorique ne semblait pas reelle, et ce d'autant plus qu'elle ne dura pas, vite eteinte par la magie d'Ellamin.

Curieuse, la jeune femme se rapprocha de nouveau de l'humain, surprise par ce rire soudain qui jaillit de sa gorge, comme l'aurait fait un illumine. Si elle ne put empecher ses sourcils de se hausser, elle s'en tint la et ne fit aucune remarque inutile. Se penchant legerement, elle put apercevoir ... le vide. Enfin, pas totalement. Et si leur unique porte de sortie apparaissait comme bienvenue, ce n'etait pas la joie qui percait dans l'ame de la reine dechue en la contemplant d'un air sceptique.

Mais son mentor s'y engageait deja.

Ne repondant pas a ses imprecations, elle se contenta alors de le suivre avec prudence. A quoi bon parler ? Agir restait la chose la plus importante, dans leur situation.

"Ne pensez pas que je suis fou."

Ces mots s'échappèrent de la bouche du paladin si naturellement que son attitude ne changea en rien à leur déclamation, il persista à avancer, s'assurant du posé de ses pieds, sur les marches de cet escalier peu engageant, et n'eut de regard pour l'elfe noire. Mais il sembla malgré sa concentration avoir à coeur d'expliquer tout ceci à son acolyte...

"Je doutais de l'existence de cet endroit, et n'aurais jamais pu penser un jour le voir de mes yeux... mais de telles conditions sont bien propices à ce genre de découverte. Ce lieu..."

Avec grâce malgré le péril que représentait la manoeuvre, l'érudit parvint en assurant son équilibre grâce à son bâton à jeter son regard envers la jeune femme.

"Si nous sommes bien où je le crois, cet escalier dormant dans les ténèbres depuis des siècles est celui qui mène à des appartements secrets... Si vous n'en avez eu connaissance, peut-être connaissez-vous de nom celui de son créateur et résident. Feu le Grand Inquisiteur Mozguz..."

Une étrange lueur brilla dans le regard d'Ellamin à l'instant où il prononça le nom de l'homme maudit, et la ferveur qu'exsuda la suite de ses propos ne l'en fit paraître que plus limpide, alors qu'il se détournait de la jeune femme et en revenait à ces ténèbres s'étendant devant, faisant front au brasier dont les premières flammèches s'immisçaient dans la cave.

"Votre famille ne fut pas la première à s'attacher les services de membres de la Confrérie, mais sans doute fut-elle l'une de celles qui s'attacha à l'individu le plus sombre de ses rangs. Elle prit sous son aile l'Inquisiteur Mozguz, qui plus tard deviendrait le Grand Inquisiteur, la main de la Confrérie... une main qui plus que souillée de sang baigna le royaume lui-même dans celui-ci. La réputation de votre famille naquit bien avant celle que fonda votre père, mais elle s'avéra aussi bien différente. Mais en cautionnant les agissements de cet homme, votre famille y gagna aussi l'esprit le plus affuté que ce pays connut... mais elle n'en tint suffisamment compte. L'accès à son laboratoire a été scellé il y a des siècles. Les secrets dont recèle ce lieu..."

*sont vitals...* pensa l'érudit, s'enhardissant d'une détermination surprenante, mais se reprenant rapidement.

"Mozguz n'était pas un idiot, il aura sans doute installé un passage pour rejoindre la surface. Mais on devrait se dépêcher de le trouver."

Fronçant les sourcils, le paladin ne put s'empêcher de fixer le brasier en face, petit car lointain, mais où il pouvait distinguer parfaitement deux rubis sanglants qui le fixaient, et le poussèrent à gravir avec plus de hâte malgré la prudence de mise les marches de cet escalier. Mais une porte d'un bloc massif bloqua de nouveau le passage.

"Ca n'a rien à faire là..." pensa-t-il, détaillant le roc du regard, suivant les contours qui telles des runes couraient sur la roche, et luissaient très faiblement, mais avec de plus en plus d'ampleur... Aussi l'érudit, sourire au coin des lèvres, se retourna-t-il.

"Passez devant."

Ne pas penser qu'il était fou... Très bien. De toute façon, vu l'état actuel des choses, il valait mieux s'abstenir de penser à tout ce qui ne concernait pas leur fuite ici présente. Irréelle. Terrifiante. Comme hors du temps. Alors elle le suivait, marchait dans ses traces. Toujours sans répondre. Préférant éviter de se demander à quoi ses mots étaient dus. Peut-être parce que le vide s'étendait sur leur flanc. Vide qui ne représentait pas une grande peur pour elle heureusement, mais qui nécessiterait sûrement une prudence qu'elle ne trouverait certainement pas en laissant son esprit divaguer sur les paroles de Glistern. Alors l'elfe noire, évitant de regarder en bas ou plus loin, malgré l'attrait que le rougeoiement des flammes exerçait sur ses prunelles, descendait, pas après pas en assurant son équilibre.

"Je doutais de l'existence de cet endroit, et n'aurais jamais pu penser un jour le voir de mes yeux... mais de telles conditions sont bien propices à ce genre de découverte. Ce lieu..."

Encore des mots... Pour combler le silence qui n'était pas occupé par les rumeurs et les cris venant du bourg et de la cour ? Pour se justifier d'une si judicieuse trouvaille en pareil moment ? Qu'importait si il connaissait mieux qu'elle les passages et escaliers secrets des lieux... Sa demeure ne finirait-elle pas en ruines de toute évidence ? Alors mieux valait oublier cavalcades de jeunesse et découvertes adolescentes... pour se tourner vers son avenir inconnu, mais adulte. Rapidement, Jayla préféra de nouveau en revenir à la descente périlleuse, ne pouvant s'empêcher de constater l'adresse dont faisait preuve Ellamin pour éviter de basculer... et pour réussir à la regarder sans trop ciller.

"Si nous sommes bien où je le crois, cet escalier dormant dans les ténèbres depuis des siècles est celui qui mène à des appartements secrets... Si vous n'en avez eu connaissance, peut-être connaissez-vous de nom celui de son créateur et résident. Feu le Grand Inquisiteur Mozguz..."

Encore et toujours... Un élan de mauvaise humeur, créé par la fatigue, la tristesse et le poids du devoir et de la douleur la poussait à envoyer balader sans ménagement son mentor, mais le respect qu'elle éprouvait pour lui fut le plus fort, et sa langue se tint coite... Encore. Que pouvait donc motiver à ce point l'érudit pour s'épandre avec une telle vivacité sur ce maudit escalier qui n'avait pour seul avantage que de ne pas les laisser s'enfermer dans les corridors sombres et tortueux du chateau ? Réprimant donc un soupir, la jeune femme laissa échapper :

" Peut-être...Ce nom parle à mes oreilles, dans tous les cas. "

Occupée à doser le poids de son corps, elle n'avait pas croisé le regard du paladin, flamboyant. Et pourtant, il continua.

* Un cours d'histoire... J'ai droit à un cours d'histoire... *

Prenait-il donc un si malin plaisir à lui rappeler les bévues des familles royales qui les avait précédées avant celles de son propre sang ? Mélanger cruauté et intelligence ... coutume pratiquée par bon nombre de gouvernements de toute façon. Alors qu'importait... ? Tant de vies tomberaient encore après cela. Et en quoi un laboratoire pourraient-ils donc les protéger de la mort ? Y avait-il donc des secrets à sauver?

* Aaah assez...! *

Si ses paumes n'étaient pas rivées à la roche prés d'elle, elle aurait comprimée sa tête de sorte à faire cesser ces questions qui rebondissaient et créaient une multitude d'échos, exaspérants...

"Mozguz n'était pas un idiot, il aura sans doute installé un passage pour rejoindre la surface. Mais on devrait se dépêcher de le trouver."

Voilà donc la clef... Haussant les épaules, la reine déchue poussa un soupir résigné. Si il comptait sur elle pour le guider jusqu'à cette pièce secréte, il se trompait lourdement... mais il devait déjà le savoir, renseigné comme il était sur le sujet. D'ailleurs, voilà qu'il accélérait la cadence. Imprudent...
Bloc. Mur.

"Passez devant."

Evidemment... La marge de manoeuvre était mince pour elle, ce qui la fit grincer des dents. Il lui faudrait calculer la portée de son coup et, surtout, maîtriser parfaitement son corps pour éviter une perte de déséquilibre qui s'était avérée sans aucune gravité précédemment, ce qui n'était pas le cas ici. Sa main tata la roche, la caressa, mesurant la largeur et tentant d'évaluer la profondeur, grâce à la magie qui habitait ses veines. Enfin, ses doigts quittérent la pierre pour s'agiter, sé détendant pour éviter toute blessure et préparer l'élan qu'elle infligerait à l'obstacle. Ce fut alors qu'une idée la poussa à reculer, gravissant de nouveau deux degrés. Il lui suffirait de sauter, ce qui accroîtrait sa vitesse et, par là-même, la force du souffle dévastateur.

Ignorant alors Ellamin, l'elfe noire se jeta soudain en avant, le bras porté vers l'arrière avant de donner le coup le plus puissant qu'elle put donner. Elle retint un cri de douleur, répugnant de montrer sa faiblesse, en sentant une fissure satisfaisante s'écarter sous ses doigts. Mais elle ne put s'empêcher de tomber à genoux, serrant contre elle son bras endolori, tête baissée, incapable de constater son échec ou sa réussite...

*Etonnant... Sa garce de mère aura bien hérité de ses pouvoirs...*

Le roc se fissura, chaque fêlure s'étendant du coeur de la roche à ses extrémités, et laissant s'échapper de fins rais bleutés qui ainsi couraient sur tout le rocher, qui au sein de la lueur qui en perçait sembla disparaître en un éclair, bref mais éblouissant, qui dès lors céda la place à la vision de l'entrée du havre secret, où s'étendaient déjà sous un plafond pulsant les mêmes lueurs que le roc s'étant volatilisé des rangées interminables de bibliothèques, comblées d'ouvrages.

"Magnifique..."

Le paladin saisit la jeune femme par le bras, et la poussa violemment jusque dans l'étrange antre, se hâtant lui-même de passer les dernière marches s'étendant au-dessus du gouffre, et se retournant une fois parvenu dans le corridor où le sol redevenait stable malgré l'épaisse couche de poussière qui saturait tant le sol que l'atmosphère, tendit la main vers l'entrée béante qu'avait dévoilé le roc en disparaissant, et exécutant quelques signes ne prit que quelques secondes pour observer les bêtes qui apparaissaient à l'entrée du précipice,et poussaient une lugubre complainte, avant que succédant à un flash aveuglant un rocher similaire au précédent ne scelle de nouveau le laboratoire.

"Ouvrez la marche, et faîtes plus attention au posé de vos pieds. Voyons ce que vaut votre fameuse perception..."

Cette fois-ci, l'elfe noire s'etait reellement blessee. Et pas qu'un peu ... la douleur remonta sur toute la longueur de son bras, lui faisant serrer les dents. Elle n'aurait pas du solliciter sa force magique une seconde fois, et a un intervalle aussi proche. C'etait le meilleur moyen de s'epuiser et de risquer une blessure grave. Mais qu'aurait-elle pu repondre a Glistern, dont le regard brillait d'une lueur quasi-fanatique ? Excusez-moi, monsieur, mais je me sens dans l'incapacite de vous ouvrir la voie, permettez-moi de me reposer un peu ? Bien sur que non... Mais il n'y aurait pas de troisieme fois si il voulait qu'elle sorte de ce palais entiere.
Peniblement, la jeune femme se releva, les jambes mal assurees, et s'apercut de la consequence de son acte : un passage s'etait ouvert. Et qui, vu l'expression qu'arborait le paladin, paraissait satisfaire grandement ce dernier. Des livres. Partout. Trop epuisee pour pouvoir apprecier ce spectacle a sa juste valeur, magnifique ou pas, Jayla voulait juste avancer, poursuivre cette fuite jusqu'a pouvoir trouver un endroit tranquille... loin des flammes, du roc et des cris.

Ce fut alors qu'Ellamin se saisit de son bras mal en point avec une violence rare, la projetant a l'interieur sans lui demander son avis. Le cri de douleur qu'elle poussa ne put etre contenu. Elle souffrait trop et dut se retenir de sauter sur lui pour lui faire payer cet acte de brutalite inutile. Une larme de rage et de douleur glissa sur sa joue sans qu'elle n'y puisse rien, et elle se detourna de l'humain, refusant de poser les yeux sur la moindre parcelle de son corps jusqu'a nouvel ordre pour contenir sa fureur. Fureur qui s'accrut sous les mots durs et sans appel.

"Ouvrez la marche, et faîtes plus attention au posé de vos pieds. Voyons ce que vaut votre fameuse perception..."

Machoires serrees, en silence, la jeune femme fit un pas, puis un autre, l'insultant sans discontinuer dans son esprit, et ou les mots lache et pleutre revenaient etrangement souvent... Une fois les premiers metres parcourus, elle ne put cependant s'empecher de siffler :

" Et pourrais-je savoir ce que vous attendez d'un pareil endroit en cet instant... ?"

"J'ai déjà répondu à cette interrogation, par trois fois..."

Assurément, le paladin raillait la sottise dont faisait preuve l'elfe noire, toutefois le regard qu'il portait à son encontre était dénué de toute émotion, pas de ce désagréable rictus qui allié à une inclination de tête transcrivait la moquerie acide et acerbe, aucune moue, juste un regard fixe, sérieux mais vide de toute impudence, qui passait tour à tour des rayonnages au visage de la reine déchue, dont il s'approcha finalement.

"Vous retenez la douleur, malgré la disgrâce dont se pare votre visage, vous savez intérioriser cette émotion, mais il serait malvenu que vous la tourniez à mon encontre, être haï par votre personne m'indiffère, de tous ceux qui se disent mes ennemis vous êtes loin d'être le plus méritant... tant que vous ne m'abhorrez qu'avec de meilleures raisons que celles que vous intiment la souffrance."

Le roc devant lequel se tenait l'érudit trembla légèrement sous le rayonnement qu'émettait son poing serti de flammèches, et laissa s'échapper de son coeur des chocs sourds, le fracas de masses s'abattant en rythme sur la scellée, provoquant un vacarme assourdissant qui dans un laps de temps bien court soulignerait l'effondrement de la cloison rocheuse. Ellamin n'y accorda qu'une oreille, préférant conserver son pas pour les corridors, et sa voix pour la jeune femme.

"Quelque soit la douleur qui parcoure votre corps, gardez en tête que si je ne vous avais pas menée ici, ce serait votre dépouille sur laquelle ils s'acharneraient avec telle violence. Qu'à chaque brûlure qui déchirera vos membres, vous pensiez que si je ne vous avais poussé à pousser votre carcasse ici, vous ne seriez plus qu'un cadavre quelconque... Réjouissez-vous donc d'être encore en vie, pour le reste que vous soyiez quelconque m'indiffère tant que ce n'est là qu'un moindre défaut."

Le paladin fixa l'elfe noire, puis lâcha un soupir de dépit, en détaillant les corridors, non plus les rangées de bibliothèques, mais l'antichambre s'étendant par-delà les ténèbres.

"Nous n'avons pas toujours ce que nous méritons, en bien comme en mal... mais concernant les destinées des entités sur cette terre, ce n'est bien qu'en arrachant notre survie au mérite que l'on trace sa destinée. Pensez que je suis couard, j'ai déjà saisi la pleine mesure de mon destin depuis longtemps, et c'est vous qui vous retrouvez à ramper comme une larve... Nous voici donc une nouvelle fois éprouvés... Plutôt que de me railler, avancez, et ce avant que les basilisk n'aient abattu la porte, soit vous réussissez, soit vous mourrez. Les règles n'ont pas besoin d'être si compliquées que vous le croyez... en apparence."

Sans attendre, l'érudit passa devant l'ancienne reine, ne lui jetant un regard alors que sous les soubresauts de la porte rocailleuse il l'abandonnait là pour s'aventurer dans le couloir cloisonné d'arcades en bois pourri sous lesquelles patientaient depuis des siècles des ouvrages dont peu ressemblaient à autre chose que des tertres de poussières sous une reliure avachie.

*Elle n'a toujours pas saisi où nous sommes? Non. Comme je l'ai dit, ce sera là la récompense de son succès, le pendant de celle-ci n'étant assurément que la mort. Que lui souhaites-tu? Qu'elle comprenne. Et toi... que souhaites-tu? ...*

Le résultat de l'expérience était confirmée... en commettant une fois de plus l'imprudence d'ouvrir la bouche, la reine déchue s'était faite envoyer sur les roses une fois de plus... Ce alors qu'elle avait parfaitement constaté l'absence ( en général... ) de sarcasme de la part de l'humain, durant le chemin parcouru pour venir jusqu'ici. Sous-entendu : à l'avenir, elle devrait réellement cesser de parler si elle tenait à éviter de recevoir les traditionnelles formules de rabrouement. Un brin d'insolence aurait pu la pousser à lever les yeux au ciel, feignant de s'en vouloir de faire se répéter l'illustre paladin... qui les avait menés ici sans d'autres explications. Ou du moins, n'étaient-elles pas des plus claires... Mais voyons, de quelle bêtise avait-elle fait preuve ici ? N'avait-elle pas encore compris que son incompétence avait pour conséquence de limiter ses interventions jugées inutiles par son vis-à-vis ? Elle s'y ferait... Question d'habitude, sans aucun doute.
Et pourtant, la jeune femme surmonta cette vague de rancoeur habituelle et s'aperçut d'un détail plutôt intéressant : pour une fois, il ne la regardait pas de haut, et ses yeux ne luisaient pas de cette lumière détestablement méchante et moqueuse. Il ne se moquait pas vraiment d'elle... il lui reprochait seulement son manque de raisonnement, sûrement. Cela s'arrêtait là. Frottant encore son bras douloureux, elle le regarda s'approcher sans mot dire. Elle l'écouta, sans mot dire. Et faillit sourire. Bien sûr qu'elle avait mal. Bien sûr que sa tête bourdonnait de questions. Et non, elle ne détestait pas Ellamin Glistern.

" Je ne suis pas ingrate à ce point là... "

Ses mots, soufflés, auraient très bien pu ne pas parvenir à l'ouïe affutée de l'érudit, ce dont elle doutait. Mais, songeait-elle, le contraire de l'amour n'était donc pas l'indifférence, plutôt que la haine ? Or, jamais elle n'avait ressenti la moindre once d'indifférence à son égard, bien au contraire. Depuis leur première confrontation, elle avait écouté tous ses discours, plus ou moins réceptives... mais avait toujours retiré un grand plaisir malgré tout. Evidemment, pas question de formuler à haute voix ces paroles de bons sentiments... Elle aurait encore préféré se jeter de la tour plutôt que de le lui avouer maintenant.
Alors, inattentive à tout ce qui n'était pas lui tandis qu'elle se jetait sur ses traces en essayant d'oublier sa souffrance, elle employa son énergie à l'écouter en le suivant, comme elle l'avait toujours fait... Cependant, il ne lui apprenait rien, pour l'heure. Malgré ses râles, l'elfe noire avait parfaitement conscience qu'elle lui devait la vie. D'ailleurs, le fait de d'être en dette envers lui ne lui plaisait guère... ce n'était pas le moment d'y penser, de toute façon.

Il se tourna vers elle. Elle affronta son regard perçant, inquisiteur. Toujours silencieuse, elle songeait qu'elle croyait autant que lui en la méritocratie... bien que leur monde ne se prêtait guère souvent à une telle valeur. Une nation d'incapables...leur reine en tête. L'enjeu de tout était sa mort... son avenir lui apparaissait pourtant moins flouté que lors de ses dernières heures de règne, curieusement. Comme si sa vie avait trouvé un sens en se libérant du poids que représentait le pouvoir.
Sa tirade terminée, Glistern s'en fut, la plantant là. Alors qu'une dizaine de mètres les séparait, Jayla réfléchissait toujours, sur le tournant que prenait son existence. Terrifiant et exaltant. Ce fut un grondement souterrain faisant trembler le sol sous ses bottes de cuir, qui la poussérent à galoper, rattrapant en quelques enjambées son ... mentor. Ce mot brûlait ses pensées, mais elle n'en trouvait pas d'autre pour le qualifier. Elle le suivrait... encore.

Par delà les tumultes qui bientôt s'arrêteraient pour laisser paraître les bêtes féroces derrière le sceau brisé et abattu, le paladin fit halte un instant, une vingtaine de pas le séparant de la porte, et saisi la hâte désespérées de l'hère, se traînant... mais cela par-delà la douleur. Le poing serré sur son bâton, sur lesquels dansaient encore les flammèches, l'érudit sourit, et reprit silencieusement sa marche, quelques pas, puis une seconde fois s'arrêta, en revenant directement à l'elfe noire, dont le visage sembla émerger des ténèbres soudainement, alors qu'il éclairait la voie qu'il avait arpenté tantôt et où se tenait encore la jeune femme. Plongeant sa main dans sa besace, il en sortit un parchemin, dont l'aspect pouvait se vanter d'être en accord avec celui ruiné du lieu et des ouvrages reposant encore sur les étages des bibliothèques. L'apposant sur le bras de la reine déchue, il saisit celui-ci avec force, l'appliquant violemment sur sa peau, jusqu'à ce qu'en un éclair bref et assez aveuglant pour qu'Ellamin eut la présence d'esprit d'en détourner le regard le parchemin ne se volatilise. Indifférent, le paladin relâcha son étreinte, et laissa l'elfe noire en paix, le sortilège ayant du apaiser pour un temps la douleur.

"Une de mes interrogations trouve un début de réponse."

S'attelant de nouveau à éclairer leur voie, l'érudit reprit l'exploration du corridor, ne s'attardant en fait que sur ces ténèbres s'étendant une vingtaine de mètres devant lui, mais eut une ultime attention pour Jayla, dont l'esprit devait être soulagé d'une tension, au moins.

"Si nous en sortons, je vous promets de vous dire de quoi il retourne, Jayla... Et j'ai à coeur de toujours tenir mes engagements."

*Quelle honnêteté. Lui diras-tu tout? Non. Le mérite, Cassandra, encore et toujours...*

Reprenant la marche, l'érudit comptait ses pas, et observait les ténèbres, qui peu à peu se dissipaient, et semblaient bientôt pouvoir révéler à Ellamin ce qu'il cherchait avec une attention croissant à chacun de ses pas, et battements de coeur.

Ils poursuivirent leur chemin, le silence de nouveau maitre entre eux. C'etait mieux ainsi. En silence, elle n'avait qu'a essayer de ne pas se centrer sur sa douleur. D'essayer de s'ouvrir a d'autres sensations de son corps. Les muscles de ses cuisses qui la brulaient. Un mal de tete desagreable qui empoisonnait ses pensees et la faisait parfois aller jusqu'a plisser des yeux. Les extremites de ses doigts, geles. Son
dos trop raidi. Tout en elle n'etait que douleur, mais cette souffrance la poussait a avancer. Chacun de ses pas naissait de cette force qu'etait l'adrenaline. Ainsi plongee dans un etat second, ce qui l'entourait paraissait parfois flous, les contours trop vagues dansants, et le bruit du jonc d'Ellamin frappant de plein fouet ses oreilles. Curieusement, c'etait ce bruit la qui l'agressait, tandis que tant d'autres auraient pu se montrer plus vociferateurs.
Le proprietaire du dit baton se tourna alors a nouveau vers elle. Stoppant trop vite, l'elfe noir sentit un vertige se saisir d'elle. Pourquoi tout d'un coup se sentait-elle si mal ? Presque sans le voir vraiment, elle regarda un parchemin, pose dans la main de son mentor. Trop faible sur l'instant, elle ne recula pas tandis qu'il s'avancait vers elle d'un bond et plaquait la feuille abimee sur son bras malade. La jeune femme poussa un cri de peur et de surprise. Assez de souffrance ... assez...

Jayla n'avait pas vu l'ampleur du sortilege. Cependant, des que l'emprise sur elle se fut relachee, elle sauta en arriere, tel un animal blesse et furieux, pris au depourvu.

"Une de mes interrogations trouve un début de réponse."

Elle lui adressa un regard pourvu d'interrogations encore plus grandes. N'en finirait-il jamais avec tous ces mysteres qui la terrifiaient ou la blessaient dans son corps et dans son ame ?
Cette fois-ci, la reine dechue s'attarda avant de marcher de nouveau sur les traces de son mentor. Elle s'attarda egalement a decouvrir que son bras la faisait deja moins souffrir... C'etait comme un vent frais qui soufflait en elle, chassant une apres-midi a la chaleur trop lourde.

"Si nous en sortons, je vous promets de vous dire de quoi il retourne, Jayla... Et j'ai à coeur de toujours tenir mes engagements."

Nulle mechancete dans l'air etonne qu'elle lui adressa suite a ces mots. Plutot un nouvel espoir qui naissait dans sa poitrine, et qui lui donnerait a son tour la force de marcher.
Et tandis qu'ils reprenaient la route, elle souffla un simple :

" Merci ... "

Le paladin sourit légèrement à la réplique de l'elfe noire, ne s'arrêtant toutefois pas ni ne lui adressa un regard, s'attardant à peine sur l'intonation de la jeune femme, faible, attestant d'un souffle manquant à la formulation de ce simple mot. Simple... ça non, il ne l'était pas. Mais l'érudit préférait à cette abstraction la lueur qui au sein des ténèbres s'étendait, en un coeur pulsant des rais lactés au sein d'une toile d'ombre et de poussière volatile.

"Ces ténèbres exhalent un souffle glacial..."

En effet, abaissant son poing armé afin que la lueur en émanant ne l'aveugle, Ellamin se rapprochait avec une détermination croissante de ce rai spectral marquant le corridor plongé jusqu'alors dans le noir, et sentait dans cette atmosphère chargée de saleté et de poussière un autre élément qui tout aussi volatile faisait vaciller les flammèches nimbant son bâton et déconcertait sa raison. Ou du moins l'intriguait davantage de ce tumulte pourtant entêtant s'élevant sur leurs arrières.

*De la magie assez... familière.*

Ne perdant plus de temps, le paladin accéléra largement le pas, courant presque, toisant cette toile de ténèbres, qui bientôt en un rai s'agrandissant à mesure que l'érudit approchait l'aveugla, pour révéler l'antichambre de ce sanctuaire scellé.

La terre est basse... Mais où est l'Homme? - Page 2 Frostcragtowerfountain

Le lieu regorgeait de cette aura dérangeante qui excitait les moindres sens d'Ellamin, observant ce lieu mystique, détaillant chaque cloison de ce sépulcre souterrain, dressant mentalement un croquis de chaque fantaisie architecturale de ce lieu cyclopéen, à commencer par cet autel aux colonnades parcourues de ce rai puissant et laiteux qui heurtait la vision au sein des plus sombres ténèbres, que même les flammes couvrant son poing n'avaient dissipé avec autant d'efficacité. Mais, par delà ce temple sous lequel gisait une table couverte de rouleaux anciens et de livres dont le commun des érudits aurait d'orgueil réclamé la possession, un immense escalier, du moins est-ce ainsi que l'on pouvait le deviner, seules les premières d'une centaines d'autres certainement étant visibles.

"Notre échappatoire..."

*Les deux Quoi?*

Ellamin parcouru encore le lieu du regard, et s'attarda davantage sur l'un des ouvrages maintenus ouverts sur la table. Intrigué, il s'en approcha le pas lent mais léger, n'en détournant pas le regard un seul instant, le temps de parcourir les premières lignes de ce qui semblait être l'une des dernières entrées.

*Impossible!*

Serrant les dents, la lueur de son poing embrasé peinant à rivaliser avec celle de l'autel vers lequel il se dressait en se portant à son visage, le paladin dut toutefois détourner le regard, alors que passant outre la vision de l'elfe noire sur ses talons l'érudit discerna sans peine par-delà l'incroyable fracas reporté par l'exiguïté du sanctuaire les formes de flammes émergeant au coeur des ombres, et leurs hurlements à la puissance assourdissante.

HJ:Basilisk