Balcon au détour d'un couloir

Pensive, et assise de côté sur le balcon, Myroo avait legerement remonté sa robe pour avoir la disponiblité plus agile de ses jambes. La jeune phoenix s'amusait à faire voler des petites flammèches autour d'elle, ca l'occupait. Tendant la main vers une de celles-ci, elle la toucha du bout des doigts, sans même ressentir de douleur. Bien qu'elle allait être reine, Myroo ressentait une certaine amertume. Malash... Qu'est-ce qui le troublait tant ? Son passé était-il donc si difficile ? Pourquoi était-il parti comme ca...

Toujours sur la rembarde, adossée cependant à une colonne, les flammèches continuant de danser autour d'elle, Myroo balançait legermeent son pied droit dans le vide. Les yeux rivés vers l'horizon, elle semblait totalement perdue dans ses pensées. Demain commencerait pour elle une vie plus chargée, mais au combien plus intéressante. Gerer tout ca, y arriverait-elle ? Surement, du moins, elle ferait tout pour.
Continuant de balancer sa jambe dans le vide, elle sentit sa chaussure glisser, et tomber à terre, plusieurs mètres en bas. Soupirant, elle sourit cependant. *J'irais la récuperer demain, ca me donnera une bonne raison pour sortir prendre l'air, et visiter un peu les jardins.*

Faisant halte sous les balcons, une sentinelle vit le chausson tomber à ses côtés, du ciel parvenant sous ses yeux au sol, le heurtant en un léger claquement, donnant un frisson au Garde qui laissa échapper un léger cri de surprise, la tête de sa lance se haussant alors que sous le coup de l'effroi il prenait peur, puis rapidement tendant vers la chausse, pointe en avant, la lance brandie quelques secondes à l'encontre de l'objet, que le milicen observa, intrigué. Relevant son arme d'hast, l'homme se recula de quelques pas, observant le chausson, puis haussa le regard, calculant depuis le point de chute, et sans trop de reflexion fallait-il avouer, la provenance de la chaussure, se balançant avec légèreté dans le vide. Marchant à allure modérée, mon regard porté sur mes gants, que je tirais autant que je le pouvais, je haussais le regard pour trouver la sentinelle observant agarde les cieux. Haussant un sourcil, je m'avançais, lorsque saisissant ce qu'il advenait je m'approchais accélérant ma démarche et gratifiait l'homme d'une frappe dans le dos, lui arrachant un second cri de frayeur, le sortant de sa torpeur.

"Tu devrais avoir honte, milicien ! Que je t'y reprenne, fripon, et c'est à Fal que je te ferai mener, est-ce clair?"

#Il faut compter avec de telles canailles, désormais...#

Me répondant d'un sourire géné, l'échine fortement courbée, le Soleil teintant sur sa chemise de maille, l'homme fuit le lieu, queue entre les jambes, ployant sous le regard froid que je lui accordais, ne désirant s'attirer d'ennuis. La main sur ma gaine dépourvue de la lame qui devrait y siéger, je venais vers le chausson, et m'en saisissais, le regardant un instant, puis le portant à la bourse pendant sur mon flanc droit, alors qu'apparaissant à mes arrières, se déclinant de sa voix éraillée, cette connaissance s'introduisait à moi, sa simple tonalité m'arrachant un rictus.

"Te voilà bien sévère, Malash."

Entendant des legers bruits venant d'en bas, Myroo prefera, par simple prudence, repasser sa jambe qui se balancait dans le vide de l'autre coté de la rembarde. Restant cependant assise dessus, elle put à peine comprendre que c'etait des voix d'hommes qu'elle entendre. Bien qu'elle ne savait ce qu'ils disaient, elle désira tout de même rester à sa place. *Je n'ai pas à bouger, ce sont eux qui doivent bouger s'ils veulent être seuls...*

"Pourquoi, mon Maître?"

"Pourquoi quoi, Malash?"

Accordant un regard sombre à mon ancien mécène, non de haine mais emprunt d'une grande stupéfaction, je questionnais à demi-mot, mon ton légèrement étouffé par ma gorge se serrant, et m'emplissant d'un mal-être m'incapacitant totalement. Perçant le malaise qui me saisissait, le vieil homme s'approcha plus encore de moi, et posant sa main sur mon épaule gauche, me toisant alors que je le dominais de quelques centimètres, m'enjoignait en cette confidence qu'avaient ébranlé les évènements récents, tous quels qu'ils soient.

"Vous n'avez pas dit un mot, mais-"

Mon Mâitre me coupa scénace tenante la parole, devinant étrangement les paroles qui allaient s'échappper de ma bouche, me poussant à une reflexion plus laborieuse encore, alors que désormais même l'attitude de celui qui fut mon sauveur me poussait à la méfiance. Acculé, je me sentais pris de cette misère qui m'avait étreinte si longtemps il y avait plus d'une décennie.

"Oui, je sais ce qui s'est passé, tout me fut dit, si cela reste inexplicable pour les autorités, il n'y a pas de doute, mais sois sans crainte, cela demeurera ainsi, tu n'auras rien à craindre."

"Je n'ai rien pu faire, c'était un traître, il voulait renverser le Conseil et-"

Le souffle me manquant, la gorge asséchée, je m'inclinais légèrement, ainsi que si les forces qui me maintenaient droit se dérobaient subrepticement, et me présentaient ainsi minable et désoeuvré, heureusement face au seul individu qui m'accorda un jour ce regard bienveillant.

"Les anges sont apparus, mais je n'ai eu le temps de ne rien dire, que le seigneur se trouvait déjà à travers les vitres cloisonnant son bureau, et se trouvait projeté dans els rues de si haut qu'il en mourrut."

L'homme accueillit tels doutes avec sympathie, et n'ôtant pas sa main, m'adressant un large sourire, désigna les cieux de sa main gauche, malingre mais demeurant ferme, autant que sa voix, qui même si rauque conservait, voire disposait plus encore, de cette puissance si imposante lorsqu'elle résonnait dans corridors et antichambres.

"Tu le sers bien, aussi bien que les Anges le servent, Malash. Ce ne fut ta main qui conduisit cet infâme à la mort, mais la volonté de notre Seigneur, qui à travers ta paume et les avatars que tu lui substituas fit la justice. Par ton amour pour Yam et ses enfants, tu projetas sa décision sur le chef de notre ennemi de l'instant, sois-en aussi fier que je le suis de toi, mon fils."

"Mais ce n'est pas le Seigneur qui me dicta de me rendre en la demeure de cet intriguant, n'est-ce pas? Cela fut-il fait par haine envers moi?"

La figure de l'homme s'obscurcit autant que la mienne transpirait le désarroi, alors que sa voix se voulait plus puissante et ferme, marquante, mais point avilisante, ni hargneuse, point du tout. Alors que j'enserrais, troublé, mon fourreau à la gaine demeurant vide, l'homme me répondait ainsi:

"Tu es respecté par nombre de tes congénères, certains nobles même t'estiment, la seule haine que je perçois envers toi vient de ton âme même. Cela est dur, la disparition de ta soeur, ton état, le sacrifice que requiert la présence de ton amie sur le trône du pays, mais tu ne dois baisser la tête, tu dois perséverer, ainsi qu'autrefois, et faire la fierté de tes semblables, telle celle que tu me fais toujours. Repose-toi si necessaire, la Milice recevra ses ordres, mais n'oublie pas que nous sommes tous là, de son royaume étincelant des cieux pour notre père Yam à tes fidèles et aimants parents reposant sous terre, et ce sans parler de tes proches encore en ce monde. Tu as encore des amis, ne laisse pas le remord embuer tes yeux de saphir, mon enfant. Yam m'a fait la grâce de croiser ta route, alors que je m'attarde et que ceux de mon temps meurent, il ne me tient plus à coeur que de te voir croiser celle de tes congénères, pour les remettre en ce chemin que tu arpentais jusque là avec cette dévotion extraordinaire."

Ce discours résonna étrangement en mon esprit, l'espace d'une seconde me prit l'inconséquence de deceler de l'admiration en ma personne, venant de cet homme qui m'apprit tout, alors que j'errais à demi-fou et mort, sur le seuil de la misère la plus totale.

#Je vous dois encore beaucoup, mon Maître.#
"Tu as tort sur ce point, mon fils, tu le sais..."

Ces derniers mots bien singuliers achevant ce discours, ayant eu le mérite de faire paraître ces larmes au coin des yeux qui des années durant perdurèrent en moi, n'osant se montrer, je saluais le sage homme, quelques questions demeurant en suspens, auxquelles l'homme cela était évident ne désiraient répondre. Ainsi déstabilisé, je demeurais immobile un instant, puis semblant reprendre mes esprits, mon visage dépourvu de cette pesante expression, quelque signe maussade seulement perdurant sur ma figure, je reprenais ma marche, lâchant un soupir.

Ayant décidée que finalement les hommes en bas n'etaient pas dangereux, Myroo se reinstalla de façon à balancer sa jambe dans le vide, maintenant quasiment nue, cause de la chaussure qui avait glissé. *Comme quoi, ils ne peuvent pas savoir exactement ma pointure...* songea-t-elle avec un sourire. Quelque part, ca la rassurait qu'ils ne pouvaient pas tout savoir d'elle, et soulagée, elle allait lacher un soupir quand elle en entendit un autre, ne venant pas d'elle. Surprise, elle haussa un sourcil, et se pencha legerement vers le bas. Cependant, elle ne vit pas grand chose, et se redressa, commencant à siffloter.

Les volutes désagréables des tissus dévorés par le feu, heureusement réduit à quelques fumerolles crépitant légèrement, s'exhalant des appartements de la souveraine et s'échappant par cette échappatoire portes grandes ouvertes, j'humais légèrement l'air, empreint tant de cette puanteur brûlant les naseaux que de la fraîcheur de la brise portant déjà au loin l'odeur, l'empêchant de stagner alors que silencieux je le regardais, ce flux invisible, éther volatile passant en ne laissant qu'une empreinte fugace sur ma joue, et la main qui s'y apposait, semblant retenir ma figure de la paume alors que je m'accoudais au balcon, et portais mon regard, alors vitreux, ne fixant étrangement qu'un point cardinal, bien vague, que j'imaginais par-delà les toitures, dominées de peu par ce palais, d'où me parvenait l'écho de courses, lointaines, mais tout de même âpres, celles de serviteurs s'affairant peut-être, les sapeurs de feu n'y étant, de ce que je pus voir, et constater avec une pointe de désarroi, pas allé de main morte, la vision des appartements submergés, ses pavés noyés, les tentures dansant dans les flaques, m'arrachèrent un sourire, dont je ne sus s'il était narquois, et que je dissimulais en distordant étrangement mes lèvres, ma figure ne parvenant à retenir la moquerie déformant mes traits, sous Yam toujours brillant dans les cieux, m'apaisant de la lueur nacrée qu'il étendait sur la cité qui m'était présentée de cette stature.

"Vous êtes bien mauvais pour me présenter telle plaisanterie, Seigneur, de quoi aurais-je l'air, stupide de la sorte, si l'un des serviteurs du palais me voyait riant de la sorte, devant les efforts qu'ils vont avoir à fournir. Pour un Python de Koth, qui plus est..."

Passant délicatement mon pouce sur la poignée de mon épée, je l'étreignais, apaisé toutefois, ma main ne constrictant pour une fois pas cette arme avec trop de force, celle-ci drainée par mon amusement, me rendant par trop nonchalant pour que je puisse entendre le cuir courant de la garde au pommeau craquer sous mon étreinte.