Du silence

Agenouillée, la tête baissée vers le sol, Myroo avait les mains crispés. La jeune phoenix réflechissait. Elle n'avait plus de nouvelles de Malash, et ésperait que tout se passait bien pour lui. Le silence du temple lui apportait un peu de sérénité, et, relevant la tête, elle observait ce qu'il y avait face à elle jusqu'au moment où un prêtre vint à sa rencontre. Vêtue de cuir blanc et d'or, la jeune reine se releva pour saluer le prêtre, qui posa une main sur son épaule.

"Altesse, quelque chose vous tracasserait-il ?"
Observant le prêtre, qui était assez agé, elle laissa échapper un soupir.

"Si seulement il n'y avait qu'une chose qui me tracasserais, ce serait bien..."

Voyant la tête que faisait la reine, le prêtre l'invita à passer dans la pièce d'a côté pour s'assoir sur le rebord de la fontaine. Une fois que ce fut fait, Myroo ne put s'empecher de plonger son regard dans l'eau.

"Allons Altesse, vous semblez même inquiète.
- Et je le suis...
- A quel sujet ? " demanda le prêtre.

Dévisageant le vieil homme, la jeune phoenix se rapprocha de lui, et ce dernier, avec un sourire, la serra dans ses bras.

"Mon oncle, je ne m'habituerais jamais à ce que le mot Altesse sorte de votre bouche.
- Et pourtant Myroo, quand nous sommes que deux, je peux me permettre d'oublier cette politesse obligatoire, mais quand nous sommes en présence d'autres individus, je ne puis me le permettre.
- Je sais mon oncle, mais... Un peu de tendresse fait du bien de temps à autre.
- Tu es juste venue pour me voir, Myroo ?"

Observant les traits âgé mais doux de son oncle, la jeune phoenix aquiessa d'un hochement de tête.

"Oui et non. Le Temple est bien le seul lieu où il règne un silence reposant.
- Ah, c'est certain."

Prenant sa nièce par les épaules, la détachant ainsi de lui, le vieil homme observa la jeune femme.

"Tu n'as jamais supporté les robes " plaisanta-t-il.
Souriant, la jeune reine aquiessa.
"Tu as bien grandie... Tu es bien belle, ma chère.
- Merci mon oncle, mais-"

Etant coupée par le bruit de pas, l'oncle de Myroo s'écarta aussitôt de sa nièce, reprenant sa posture bien droite et son air calme. La jeune phoenix, quant à elle, se retourna vers les bruits de pas, et attendit que l'intrus se montre.

"L'Ombre rutilante":

Mes pas claquant sur le marbre pavant la laiteuse chapelle reverberant à la perfection les quelques rais du monde exterieur, rompant ainsi l'agonie du silence demeurant en ce lieu de mes chausses de cuir et de ce fourreau claquant contre mes cuisses, je passais la grande arche du lieu saint, et la démarche lente, le visage las et le regard se perdant sur deux silhouettes me paraissant, se distinguant devant l'autel trônant impérial au coeur de la chapelle, les reconnaissais, l'une en première, gaillarde, toisant assez haut, mais ne dissimulant de rudes traits façonnés par le temps et la privation, puis la seconde, frêle et glissant sur le marbre de même qu'un voile de tissu dansait sur ses jambes, bien malingres aux côtés des imposants piliers sur lequel reposait le prêtre, à demi couverts par sa burre tombant jusqu'aux pieds.

"Monseigneur, Altesse, je ne pensais vous voir en ce lieu, d'avec l'assemblée du Siège, je ne vous aurais cru présent à la confesse, mon père. Navré, Majesté, je ne désirais être importun, a-achevez.."

Détournant le regard, j'inclinais la tête, et mon échine souffreteuse d'autant que je le pouvais, puis en silence laissait les individus à leur conversation, revenant le pas irrégulier et languissant vers l'entrée de la chapelle, puis déportant le regard vers un vitrail venait à sa rencontre, soufflant brièvement mais puissamment à chacun des pas que j'entamais, puis m'agenouillais, couvrant cette gorge marquée d'une cicatrice qu'un filet de sang passé bronze marquait par trop, sur le col que je haussais, la chair à vif me brûlant de trop pour que je la laisse sous les frappes du vent guère virulent mais glacial ainsi que la main d'un mort, menant ma droite à trembler tout autant, alors que mes yeux passaient sur les pièces de verre chargées de la lumière provenant de l'exterieur.

#Ca ne tiendra longtemps, que cela s'achève vite, mon Seigneur...#

Surprise de la présence de son ami ici, Myroo se releva.

"Pardonnez-moi mon oncle, nous poursuivrons plus tard..." fit-elle à mi-voix, alors qu'elle courait silencieusement pour rattraper Malash.

Revenant à sa rencontre, et l'observant s'agenouiller, la jeune phoenix s'approcha de son ami, apposant une main sur son épaule.

"Malash..."

Constatant avec frayeur qu'il était blessé, la jeune femme vint devant lui, puis s'accroupit.

"Malash ! Que vous est-il arrivé ?!" s'exclama-t-elle.

C'est d'ailleurs son exclamation qui attira son oncle, et, voyant le visage de sa nièce, celui-ci partit avec hâte chercher de quoi arreter le sang de couler. Myroo observait son ami avec inquiétude, pour finir par s'agenouiller aussi, car rester accroupie lui faisait mal aux jambes à force. Posant une main sur la joue de Sir Kezahr, la jeune reine semblait s'en vouloir.

"Un contretemps... Ne vous inquiétez pas, demoiselle Desten, nous n'avons aucun soldat blessé, mais... Cela remet en question un certain nombre de choses..."

Lâchant un grognement alors que je me relevais, détachant cette main qui, bien que propre, n'étant purifiée n'incitait qu'à relancer la douleur de l'estafilade couvrant ma joue gauche, le dissimulant en me raclant la gorge pour ne pas paraître grossier devant la souveraine, je constatais ainsi que, de ma faute semble-t-il, la conversation de la jeune femme d'avec le prêtre était ajournée, aussi rectifiant mes titubements pus-je reprendre mon cheminement vers la nef, laissant en un détour plonger mes mains délicatement, l'une demeurant tremblante, mais s'accalmant, alors que de l'eau sanctifiée je m'arrosais les tempes, puis passais la main sur l'entaille, autour de laquelle je sentais la chair se distordre, la médication sommaire ne l'ayant apaisée, la substance dont était empreinte la lame qui l'entailla s'étant étendue sur la blessure, et contrant le baume qui me fut appliqué.

"Je crains de devoir emprunter quelques uns de vos onguents, mon Père. Navré, ils vous seront rendus, mais pour l'heure je crains de ne pouvoir l'empêcher. S'il vous plaît, éminence, ayez l'amabilité d'envoyer chercher un infirmier, même avec des baumes adaptés, j'aurai besoin d'aide, peut-être mon Maître aurait-il mieux fait de m'en apprendre quelques rudiments..."

Maugréant, bien que seule ma voix déclinant, mon esprit demeurant en alerte, malgré l'engourdissement de mes membres, je me tenais immobile un instant auprès de l'imposant homme, aux capacités me semblait-il insuffisantes pour traiter ces plaies, dont je suscitais l'obligeance avec un respect paraissant dans ma posture, qui outre les blessures qui enflammaient mon corps prenait la forme d'une réverence, que je m'en voulais toutefois de n'avoir rendu à la jeune femme pour l'attention qu'elle me porta, les circonstances de l'instant pouvant malgré tout expliquer cette incorrection.

#Peut-être saurai-je rattraper ceci en situation plus favorable, durant laquelle un mouvement ne pourra plus m'apparaître comme un brasier dévorant mes muscles.#

Suivant son ami, se relevant également, un peu déçue de ce comportement, Myroo s'efforçait de comprendre Malash. Allant près de lui, et faisant un hochement de tête en direction de son oncle, qui partit donc quêter un infirmier, la jeune reine observait son ami avec des inquiétudes de plus en plus grandes.

"Expliquez-moi Malash..." fit-elle tout en s'efforçant de dissimuler le tremblement de sa voix, et de rester calme et sereine.

*Si au premier problème qui surgit je dois m'accabler, alors que serais-je donc pour une reine...* songeait-elle, même si son âme tourbillonait de sentiments tous plus étranges les uns que les autres.

"Rien de nouveau, pour vous, enfin il me semble. Lametha n'avait pas été abandonné, ces monstres étaient restés... Les charniers et ruines les ont dissimulé, ce n'étaient finalement pas des paysans qui avaient fait ça, une tactique qui m'a coûté plutot cher, mais au moins je m'en tire avec quelques blessures, plus grande est la chance qu'aucun des soldats et miliciens n'ait été blessé de la sorte. Accalmez-vous, amie, nous les avons... éliminé. Vous aviez raison, il semblerait, mais j'aurais préféré que les circonstances me valent de moindres mots."

M'amusant légèrement de ce même trait d'esprit, laissant simplement échapper un rire se mêlant à un toussotement, je sentais toutefois mon pouls s'accelerer alors que ma pression s'amoindrissait sur la plaie faute d'attention, et je me trouvais un instant foudroyé, ma main, même si la moins sure, se portant assez rapidement sur le dossier d'un banc pour que je supporte le feu qui me gangrenait, alors qu'accordant un regard à la jeune femme, je distinguais cette imposante silhouette à la robe de religieux voletante passer l'arcade première de la chapelle, en une hâte qui me contenta, d'autant que je reprenais mes propos, contemplant l'expression singulière de mon amie.

"Navré de cette incorrection, mademoiselle Desten, non que je désire vous froisser, pardonnez mon aigreur, ces évènements et cette douleur lancinante m'égarent, n'en demeure pas moins le fait que cet assaut était médité."

#Il faut agir en conséquence, Myroo, je ne suis point tacticien, mais je suppute que les forces de Baal ne sont pas moins féroces que ces meurtriers...#

Reflechissant à toute allure, Myroo se mordit les lèvres.

"A votre avis Malash, de combien de temps disposons-nous avant que l'armée de Baal n'arrive à Ys ?"

Se frottant les mains, la jeune reine était déjà en train d'organiser plusieurs choses dans sa tête, visualisant ses idées. Mettant ses mains derrière son dos, elle se mit à marcher en tournant en rond devant son ami, alors que l'infirmier venait d'arriver. Lorsqu'elle reflechissait, Myroo avait besoin de bouger.

"Nos postes frontières disposent de soldats entraînés, guidés par des gradés confirmés, ils devront passer par leurs terres seulement, ne pouvant diviser leurs forces, s'ils ont déjà mobilisé tous leurs hommes, ce qui est possible étant donné la valeur d'une pareille unité envoyée à Lametha, necessitant au moins une requête de protagonistes de haut rang en terres de Baal, de leur haut corps religieux à leur reine semble-t-il, qui de ceux-là pourrait l'avoir demandé, je ne sais pas, mais si cela se trouvait être cette seconde personne, et si elle est réellement intelligente, les soldats du pays de Baal devraient pouvoir arriver en vue de Ys dans une semaine, par des unités condensés, leur rythme sera ralenti, m'est d'avis."

Je ne comprenais guère l'interrogation de mademoiselle Desten, je n'étais de ces maîtres es tactique, soldats et chefs de guerre rompus à la logistique du combat, mais de ce que je connaissais, de toute mon experience, et selon la logique, je pouvais répondre à la jeune femme ainsi que cela me semblait se dérouler, cette incursion à Lametha était un élément inducteur précieux, et me laissait supposer la stratégie que comptaient employer ceux qui mandèrent ces bouchers.

"Navré, Altesse, je ne suis pas du meilleur avis dans ce domaine, les gradés de l'armée ont parfois obtenu leur titre par les armes et la ruse guerrière, c'est vers eux qu'il vous faudrait vous tourner..."

#Etrange, comme si ils ne voulaient pas une gue-#

Mon questionnement s'interrompit alors que ce foyer ne se laissant palper que par les filets de sang qu'il laissait couler dévorait de nouveau ma chair, m'étouffant, ainsi que s'il se fut insinué dans ma gorge pour la calciner en mon corps même, me faisant basculer alors que gisant prostré tel un chien j'acceuillais l'infirmier, portant le regard sur le marbre laiteux et froid où se posaient mes mains, branlantes.

#Vous êtes bien narquois, Père Yam...#

"Bien..."

S'arretant de bouger, et revenant près de son ami qui souffrait, la jeune reine commenca à s'expliquer.

"Ils ne veulent pas une guerre, ils veulent un affrontement. Ils veulent juste tester nos forces, du moins, c'est ce que je pense... J'avoue également que je pense à beaucoup de choses quant à leurs manoeuvres, m'enfin... Vous dites, Malash, qu'ils ont surement mobilisés tout leurs hommes, ce qui signifie qu'ils comptent bien nous affaiblir, voir nous exterminer si l'occasion leur est présentée... Hmm..."

Observant sans trop d'attention l'infirmier administrer des soins à son ami, la jeune phoenix continuait de reflechir.

"De toute façon, il va falloir jouer mieux qu'eux. Je refuse le fait qu'ils marchent sur nos terres, il va donc falloir les bloquer avant, et les repousser. Nous disposons donc d'une semaine environ..."

"Ce ne sont que présomptions, ne vous emportez pas de la sorte, ma Garde conservera les frontières imperméables, et ce tant qu'aucune activité n'aura été signalée au minimum. Pour l'heure, rien n'a été perçu, aucun mouvement depuis les postes sous notre contrôle, si la question d'une armée mobilisée reste en suspens, elle n'a pas encore commencé sa marche, en mon domaine je vous suis plus inutile encore, demoiselle Desten, c'est là affaire d'un espion, à la subtilité plus constatable et effisciente que celle se terrant sous une ardeur dont je craindrais hélas qu'elle ne serve les interêts de ces factions adverses."

Du sol, maintenant la tête haute, bien que ne désirant que la tirer hors des mains de l'infirmier à l'ouvrage sur cette plaie béante s'enflammant sous les paumades qui couvraient le feu et me glaçaient la gorge, j'observais la reine, devant la raisonner en mon sens, sentant qu'une ébauche de fierté puérile l'emportait à mesure qu'elle parlait, passant étrangement sur mes propos, m'offrant la désagréable sensation qu'elle n'en saisissait qu'une part infime, qui isolée mènerait à un raisonnement périlleux.

"Ce n'est pas un jeu, Myroo, ce n'est guère parce que je suis mauvais conseiller que de muette il vous faut désormais couvrir les voix des autres, si c'est là un début de suffisance, retenez-le, ce n'est point l'heure d'un caprice."

#Elle n'aurait jamais fait cela avant, impossible... Seigneur, et elle risque d'ameuter la population...#

Réfléchissant, je reportais mon regard vers l'homme s'affairant sur ma cicatrice, enflammant ma gorge alors qu'au-dessus mes lèvres se crispaient, laissant passer un sifflement, souffle étranglé par ma machoire sérrée, et le regardais, le possédant un instant par nos yeux se croisant, permettant à l'homme de saisir d'assez mes pensées qu'il sembla m'adresser un acquiessement silencieux d'un hôchement de la tête, que j'acceuillais avec dédain.

Surprise par cette remarque, Myroo s'excusa.

"Je me suis mal exprimée, navrée..."

Remettant une meche de cheveux derrière son oreille, la jeune reine venait de se prendre un bon sermon, qu'elle acceptait, mais triste.

"Je n'ai jamais dit que vous etiez mauvais conseiller, sir Kezahr. Ainsi, je vais vous laisser vous reposer, puisque je semble vous importuner par mes dires et mes caprices. Remettez-vous bien."

Baissant la tête, et tournant les talons, la jeune phoenix partie du Temple, déçue, mais continuant de reflechir.

Repoussant l'individu aux mains agiles alors perturbées, et les ôtant alors que mon regard basculait vers l'arche franchie, je me maintenais sur les genous, puis usant de mes forces demeurantes parvenais à me hisser de nouveau auprès du prêtre, le géant me dominant toujours, mais son visage m'étant plus proche, me permettant de le contemplant, laissant une expression de douleur parcourir brièvement mon visage.

"Vous semblez connaître son Altesse, Monseigneur. Je... Je n'ai pas le temps pour cela, faîtes lui part de mes excuses, s'il vous plaît, et raisonnez-la, si cela vous est possible. Je ne retiens nulle chose sur elle, mais je connais la voie qu'elle arpente, et il est davantage en jeu que la vie d'un misérable orphelin, ou quelques petites frappes, cette fois-ci."

Ne détournant le regard, longuement apposé, sur les colonnades marbrés trônant aux encadrures de l'immense porte entrebaillée de la chapelle, je l'abaisse toutefois, retenant mes lèvres parées à se tirer sous une impulsion de douleur, que je traînais ainsi que ma carcasse jusqu'aux appartements, gratifiant le religieux d'une reverence humble.