Examination

"Avez-vous déjà... vécu dans la rue, mademoiselle Desten? Vous êtes une aventurière, me répondrez-vous, mais assimiler l'errance volontaire à l'indigence est illusoire, connaissez-vous cela? N'en prenez pas offense, mais votre relation au peuple est étrange. Pourquoi votre place est-elle là..."

Etrangement, je m'égarais, je ne détournais guère plus mon regard de la lueur chancelante de la bougie, percevant à peine l'expression de la demoiselle se transformant, son sourire, je m'en rendais compte, se ravisant, alors que je m'en voulais de ces questions, mais ne renonçais à obtenir si cela avait été possible une réponse, cette jeune femme m'interessant, ne semblant dans le besoin, pas plus qu'issue, mais demeurant pourtant proche de la plèbe des castes les plus mineures.

"Et bien... Je n'ai pas été élevé dans la rue, bien que j'y étais souvent. Beaucoup de mes ami(e)s n'avaient pas de toits... J'ai vu une très grande partie de l'etendue de notre société, et bien que celle-ci soit plutôt positive, il y a encore plusieurs aspects négatifs. Cependant, je considère qu'un enfant des rues et qu'un enfant issu d'une noble famille ont tout deux la même valeur. Tous deux font partis d'Yam, et sont donc à proteger et à aider..."

La jeune femme cherchait ses mots, mais il était difficile d'exprimer tel sentiment, et surtout tel desire qu'elle vouait à son peuple. En conclusion, elle ne put que sourire à son interlocuteur, esperant que ce dernier avait à peu près compris.

"De la sympathie... Vous êtes une jeune femme amène et sensible à votre entourage, cela est suffisant pour aimer le peuple comme il se doit. Nulle distinction de race ou de caste, il est vrai, mais les disparités demeurent aux yeux du monde, ce sont des gens comme nous qui devons voir pour ceux qui détournent les yeux et entendre pour ceux qui s'appliquent les mains sur les oreilles."

Ma mélancolie se retirait des traits de mon visage, avec le concours du sourire de la jeune femme se tenant assise devant moi et de ses mots, et mon expression redevenait normale, bien que mes traits se tirant très légèrement alors que je continuais, passant à un sujet plus léger, peut-être.

"A quelle espèce appartenez-vous donc, demoiselle Desten? De ma vie j'ai croisé assez d'humains pour me douter que vous n'en soyiez une, tandis qu'il me semble impossible que vous apparteniez aux peuplades elfiques..."

#Des traits si peu grossiers...#

"Ah, oui, bien sur ! Excusez-moi, j'aurais dut vous le dire lorsque je me suis présentée. Je suis une phoenix, encore bien jeune par rapport aux autres. J'ai 27 années toutes fraiches."

Myroo appreciait de parler avec messire Kezahr, il l'écoutait et était interessé par ses paroles, tout comme elle fournissait la même qualité d'écoute a ses propos. Joignant ses mains, elle lui posa la même question.

"Et vous messire, etes-vous un elfe ou un demi-elfe ?" fit-elle avec un sourire.

Elle avait put cerné sa race, mais précisement non.

"Je suis semi-elfe, de deux sangs de Yam diraient les puritains... Veuillez escuser cette interrogation, demoiselle Desten, mais les phénix ne sont-ils censés être des volatiles, bien que leur légendaire tendance à la combustion pouvant optimiser votre potentiel pyromantique pourrait annoncer des facultés que j'ignore, mes connaissances sur les espèces mythiques étant restreintes, je le déplore."

Constatant aux paroles de la jeune femme qu'elle n'était que toute jeune pour une créature de son espèce, je m'interrogeais sur sa forme charnelle, ma foi bien loin des représentations que je me faisais de ces êtres, que mes études ne m'avaient permis d'étudier, autant que le peu de préhension que j'avais à distinguer les espèces, il est vrai.

HRP: Navré, questions idiotes d'un esprit défaillant...

"Bien. Les phoenix existent sous deux formes : les volatiles, et les formes humaines, tout comme moi. Chaque phoenix de forme humaine a un tatouage sur le corps, qui est unique. Il parait que notre avenir est decrit a travers ce tatouage, mais pour tout vous dire, savoir mon avenir ne m'interesse guère. Les phoenix ont en effet plusieurs affinitées avec le feu, et ceux qui sont sous forme humaine peuvent, lorsqu'ils atteignent un certain âge, se transformer en volatile. Cette transformation à beau les rendre immortelles du fait qu'ils renaissent de leurs cendres, ils ne peuvent plus jamais revenir sous forme humaine... C'est à peu près tout je crois..."

Posant un doigt sur ses lèvres, la jeune femme reflechissait à ce qu'elle avait put oublier.

"Une espèce interessante, ainsi... Votre reflexion anti-innéiste est pour le moins... troublante, mais j'y souscris totalement. Ainsi vous demeurez sous forme humaine, et errez selon votre gré, je suis heureux que celui-ci vous ai conduite auprès du peuple, c'est signe d'un oubli de soi bienveillant."

Reflechissant à voix haute, je me tus, raisonnant par trop à la place de cette jeune femme, dont je craignais qu'elle soit mise mal à l'aise par ces pensées exprimées si ouvertement, attestant d'un esprit jugeant par excès en certaines circonstances.

"Si vous êtes itinérante, disposez vous d'un pied-à-terre pour pouvoir vous immiscer dans les affaires concernant la population? Non que je juge les aventuriers, mais peu sont ceux qui s'y interessent occasionnellement, et plus encore qui ne trouvent d'interêt que dans le mercenariat au fil de leurs périgrinations..."

"Oh, jamais je ne deviendrais mercenaire, et je vis à Yam, dans notre belle capitale. Je parcours nos terres, mais mon point d'attache reste la capitale. J'y ai de nombreuses connaissances, et il n'y a rien de mieux que la capitale pour avoir des informations sur les affaires concernant la population. Comme vous pouvez le constater, il m'arrive de passer plusieurs jours dans les autres villes, et comme je vous l'ai dit precedemment, j'aime être informée de tout concernant Yam."

Affichant un sourire, Myroo se demandait si elle avait bien répondue à la question de messire Kezahr, ou du moins s'ils parlaient du même pied-à-terre...

"Hum, il est vrai que la capitale recèle de toutes les franges de la société, et les seules que nous puissions aider independemment, assuremment. Vos voyages vous permettent au moins d'observer les castes rurales, voilà qui est une bonne chose."

Cette demoiselle m'intriguait, outre son apparence, elle semblait charitable, et dévouée à Yam comme à son peuple, cela présumait de bonnes choses, que demeurent des êtres de la sorte pour protéger ainsi que je le faisais à mon échelle ce pays, en obtenant l'estime de la Garde et m'agitant de concert avec elle pour pallier à ces fléaux que l'absence de souverain aurait rendu terribles, particulièrement au coeur de ces terres.

"Vous sembliez abhorrer le peuple de Baal à vos paroles il y a peu, peut-être est-ce par trop indiscret, mais d'où cela vous vient-il? Je n'ai pas voyagé autant que vous, cela est un fait, mais il me semblait qu'envers deux peuples, le jugement pour un pélerin se devait d'être suspendu, je dois avouer ne pas comprendre..."

La jeune femme se permit un leger rire, très bref, avant de repondre.

"Je n'abhorre pas totalement le peuple de Baal. Ils ont leur culte et leur mentalités totalement différentes des nôtres. Personne n'est pareil après tout, cependant, il est vrai que je ne les apprécies pas... Après de nombreux voyages éffectués là-bas, au péril de ma vie, j'ai été retenue enfermée sur leurs terres. C'est à ce moment là que j'ai vu au combien nous étions différents... Jamais je n'aurais put m'habituer à leurs mentalités, et grace à l'aide d'un aventurier de Yam, j'ai pus revenir saine et sauve, pas comme un de mes amis... C'est egalement une des raisons pour laquelle je tiens à protéger Yam..."

"Si c'est ainsi que vous l'avez découvert, alors je comprends... Nous avons tous déjà perdu un proche du fait de la haine entre les deux pays, mais je ne prends pas le peuple pour responsable... L'ennemi originel est mort depuis si longtemps que nous ne pouvons plus le mettre à bas, j'en ai peur..."

Je redoutais les paroles de la jeune femme autant que je l'admirais, intrigué par son rire, sa pensée, dont je savais qu'il ne tenait de peu que je n'y sombre par moi-même il y a une lustre, au risque de devenir cet ennemi que je haïssais et craignais autant.

"Oui... C'est pourquoi je ne sombre pas dans la folie meurtrière. Il est mort, c'est ainsi, nous ne pouvons plus rien y faire, alors passons à autre chose, sans pour autant l'oublier. C'est ce qu'il y a de mieux à faire je pense. Quant à ceux de Baal, je puis vous l'assurer, ils nous haissent, et c'est ainsi également."

Par les paroles de messire Kezahr, Myroo put deviner qu'il avait perdu, lui aussi, un être cher. Mais il avait raison, tôt ou tard, on perd tous un être cher... Pour un trouver un autre plus tard, que l'on ne perd pas forcément... La jeune femme secoua legerement la tête, elle s'etait laissée aller dans ses pensées quelques instants, ce qui la fit sourire une fois de plus. Il devait la trouver bien souriante...

"S'il vous est supportable à tous de vivre dans la haine, alors soit, si cela vous semble une dépense d'énergie necessaire... Je me soucie de ceux qui sont en ma présence en priorité, et laisse tout ressentiment pour le jour où celui de mes réels ennemis n'en aura été que plus émoussé. Autant demeurer l'âme légère du temps que je sois devant une magnifique demoiselle pleine d'esprit à polémiquer de son grand coeur et de la plèbe vers lequel il se porte."

Je souriais en achevant ces mots, pensant aux sombres entités pourtant si pleines de lumière lorsqu'elles m'apparaissaient, regardant la jeune femme, acceptant son raisonnement, tant qu'il ne mettait en péril la sécurité de notre pays, et que son esprit demeurait aussi agréable à observer.

"Je vous remercie de tant de compliments messire Kezahr, et vous les retourne également. Parler avec vous est un immense plaisir."

Se relevant, Myroo marcha un peu dans la pièce avant de reprendre la conversation.

"Et vous messire, où vivez-vous ? Si ce n'est pas trop indiscret..."

"Je loge dans un établissement mis à disposition par mon mécène dans la Cité souveraine, dans le quartier du temple, c'est plutot modeste, mais je me contente de cela, je suis après tout bien mieux lôti que les pauvres âmes des quartiers Sud, c'est pour cela que je désire être admis auprès des autorités..."

Regardant la jeune femme depuis ma stature, la voyant faire quelques pas, je me permis ainsi amuser de l'interroger, afin d'entretenir cette amicale conversation, pour laquelle j'appréciais que la demoiselle nourisse le même attrait.

"A ce propos, demoiselle Desten, comment faîtes-vous pour vivre dans la capitale? Mage itinérante est une situation louable, mais ce n'est pas là ce qui remplit la panse et la bourse, je présume."

#Si elle n'est mercenaire, voilà une question qui saurait mériter une réponse...#

"Et bien... Je vis chez ma mère... Depuis la mort de mon père, elle ne supporte plus personne mise à part moi... Je lui reproche ce comportement qui ne l'aide pas, mais elle refuse toutes aides... Sinon, pour mon propre argent, j'enseigne aux jeunes enfants à maîtriser leurs magies. Beaucoup de parents me remercient en me donnant de l'argent alors que je précise bien que je fais ca gratuitement car ca me fait plaisir..."

Ayant répondue, Myroo s'adossa au mur, observant messire Kezahr. Elle l'appreciait beaucoup, des personnes comme lui, il n'y en avait que très peu...

"Chez votre mère? Ceci pourrait expliquer votre attention envers les autres, enfin selon moi. Accoutumée à cotoyer la misère, vivant avec votre mater, cela vous a réussi mademoiselle."

Mitigé, je souriais tout de même, acquiessant de la tête alors que je pensais à la profession qu'exerçait la jeune femme, sa dernière reflexion m'amusant.

"Une pedagogue, je ne l'aurais deviné je l'avoue. Enfin l'enseignement gratuit n'a pas cours dans la capitale, ce me semble, les gens qui en ont les moyens veulent ce qui se paye, les autres demeurent dans la fange..."

Bien que cette remarque eut put paraître acide j'en convenais, je n'en pensais pas moins, conscient que la complaisance dans la misère n'encourageait qu'à demeurer perpetuellement dans un cercle malsain dont nous pourrions un jour faire les frais.

"Mais ne prenez pas ombrage de cela, mademoiselle Desten..."

Surprise, Myroo se mit à sourire.

"Si vous saviez combien de parents sont heureux de mes services et viennent me voir, vous ne diriez plus cela messire. Et même si ce ne sont les parents qui me font confiance, ce sont les enfants. Cependant, vous avez aussi raison. Beaucoup preferent un enseignement dans une école, ce qui, je l'avoue, est tout à fait normal."

"Je n'ai contesté cela... Si cela vous paraît bon et vous nourrit, je ne m'y oppose pas. Je trouve cela davantage... surprenant, du fait de la démarche entreprise pour venir en ce lieu, entre autres, mais ce n'est guère là un sujet sur lequel j'irai vous chercher querelle, demoiselle Desten."

Me taisant, mon sourire se ravisa une fois que j'eux fini, bien que celui de mon interlocutrice attira toujours mon regard, et je me levais de même que la jeune femme, penchant la tête vers cette porte qu'avait emprunté la demoiselle plus tot pour pénétrer dans la bâtisse, ne la voyant pas mais entendant à nouveau ses gonds cédant alors qu'on la repoussait.

#Une sentinelle en patrouille?#

"Et je vous en remercie" repondit la jeune femme avec un sourire.

Tournant rapidement la tête vers un leger bruit, Myroo se décolla du mur, se rapprochant de messire Kezahr. Se frottant les mains, elle les chauffait un peu, afin de se servir de sa magie plus rapidement si cela serait necessaire. Mieux vaut être prudent...

Apposant la main sur le pommeau de mon arme, fronçant les sourcils alors que mes yeux ne s'étaient que trop accoutumés à la lueur vive dégagée dans la pièce, tandis que l'entrepot n'était que trop sombre, les cieux noirs n'apportant que peu de lumière, davantage de l'humidité, trop peu pour que je puisse percevoir facilement les contours des ombres se mouvant non loin, je faisais abstraction de la présence de la jeune femme, poussant un léger soupir.

"Veuillez m'escuser mademoiselle Desten. Nous n'attendions en principe personne ici, pas même de Garde, mieux vaudrait que ce ne soit un voleur, il me faut aller voir, il y a là trop de denrées pour pouvoir laisser la question en suspens..."

"Vous avez tout à fait raison, c'est pourquoi je viens avec vous." trancha la jeune phoenix.

Il était hors de question qu'un petit imbécile fougueux mette le feu à cette reserve. C'est pourquoi, elle prefera ne pas utiliser sa magie et prit en main sa dague, par simple précaution.

#Une dague?#

Je doutais que la jeune femme eut put se défendre avec cette arme, son poignet n'enserrait avec assez de fermeté le pommeau de cette lame pour qu'elle eut tué quelque créature, cela semblait bien naturel pour une mage, mais je ne refusais sa collaboration, commençant ainsi à passer le portique sépérant la pièce des entrepots. Tirant rapidement mon épée hors de sa gaine, je faisais quelques pas, puis m'arrêtais, apposant ma jambe droite en avant, et portant la pointe de mon épée vers l'avant.

"Approchez, et déclinez votre identité sur le champ, sur ordre de la capitainerie. Mademoiselle, pouvez-vous percevoir quelque chose?"

S'avancant egalement aux cotés de messire Kezahr, Myroo tenait fermement sa dague. Lorsqu'il posa sa question, la jeune femme eu un sourire.

"Je puis vous aider à mieux y voir, sans pour autant tout brûler..."

Se frottant les doigts, elle fit surgir une toute petite flamme au creu de sa main. La luminosité permettait d'éclairer les alentours, et de mieux discerner ainsi les ombres.

Acquiessant d'un hôchement de tête, je reculais de quelques pas, revenant vers la jeune femme et la flamme vacillant au coeur de sa paume, disposant mon épée d'un fer unique entre la pâle source lumineuse et la demoiselle, usant de la rutilance de cette lame pour porter un rai de lumière sur les rayonnages. D'un tour de poignet, j'inclinais mon arme, balayant l'entrepot de notre position d'un faible faisceau lumineux rendant les surfaces aussi claires que le jour.

"Hum, y a-t-il quelque chose? Peut-être plus loin..."

#Ces bottes de paille pour les canassons . .#